Ethique et TIC

Etude des espaces numériques où émerge une réflexion sur l’éthique journalistique qui, sans être l’objet central, est suscitée par les interactions entre les médiateurs (journalistes ou non) et le public

Ce projet de recherche se penche sur les espaces numériques où la réflexion éthique est présente sans être l’objet central (médiateurs, community manager (CM), réseaux sociaux animés par des journalistes). Comment ces espaces sont (ou non) au carrefour de débats éthiques avec les usagers et les acteurs des médias ?

Au sein du programme « Espaces de débat et de médiation des pratiques d’information » initié en décembre 2012 par le CRAPE, le projet Éthique et Tic propose de dépasser l’approche normative pour étudier les espaces où la réflexion éthique est présente sans être l’objet central. Parmi les espaces de médiation possibles (des réunions de délégués du personnel aux comités éditoriaux), le projet interroge le rôle des espaces de médiations inscrits dans des dispositifs en relation avec les publics (médiateurs, community manager (CM), réseaux sociaux animés par des journalistes) dans la réflexion déontologique. Comment ces espaces sont (ou non) au carrefour de débats éthiques avec les usagers et les acteurs des médias ? CM et journalistes peuvent, de fait, répondre aux critiques ou mener des réflexions sur le journalisme par le biais de blogs personnels ou professionnels, des réseaux sociaux etc. Se pose également la question du rôle des directions et pôle marketing dans ces espaces (certains médias tentent de rationaliser les initiatives personnelles des journalistes sur les réseaux).

Le CRAPE a initié, en décembre 2012, un programme collectif intitulé « Espaces de débat et de médiation des pratiques d’information ». Partant du constat de l’impossibilité d’institutionnaliser, en France, un espace de débat, de médiation, ou de régulation des pratiques d’information au regard de l’éthique (avec de très fortes réticences et tensions malgré la possibilité évoquée d’un tribunal d’honneur, d’un conseil de discipline, d’un ordre du journalisme, d’un conseil de presse, d’un observatoire de la déontologie, etc.), le projet entend dépasser une approche normative pour étudier les espaces (de travail, de médiation, d’arbitrage) où la réflexion éthique est présente sans être l’objet central.

L’examen et l’arbitrage éthiques sont alors considérés comme relevant de la pratique quotidienne des organisations de travail, au travers d’espaces de médiation qui permettent que cette dimension du jugement du faire en société (de "l’estimé bon" selon Ricoeur) ait droit de cité, sans concurrencer les instances de l’autorité que sont la justice (civile, prud’homale, commerciale) et la hiérarchie (au sein des organisations).

Ces espaces de médiations peuvent être institués (réunions de délégués du personnel, Commission de la carte professionnelle, Commission arbitrale, ou encore comités d’hygiène et de sécurité) ; de l’ordre des relations interpersonnelles (discussions entre acteurs de l’organisation, conférences de rédaction, comités éditoriaux) ou encore, inscrits dans des dispositifs en relation avec les publics (médiateurs, community managers) et les partenaires économiques (plans de dits de Responsabilité sociétale des entreprises RSE).

Ce programme ouvre nombre de pistes dont chacun peut se saisir pour nourrir une problématique collective, celle de la construction de la déontologie des journalistes et des médias au sein d’espaces qui n’ont pas cette vocation. Il observe ainsi deux types d’interaction :

  • les relations quotidiennes de travail qui mettent aux prises des acteurs différents que sont les journalistes et les opérateurs de photographie qui doivent ensemble arbitrer les usages qu’offre la numérisation de la chaîne de production ;
  • les procédures institutionnalisées qui sont mises à profit par les acteurs pour en faire le théâtre d’une réflexion et d’une décision morale alors qu’en principe elles ne sont pas dédiées à cela, comme dans le cas de la Commission arbitrale des journalistes.

Une piste innovante ouverte par les résultats de recherches antérieures
Dans le cadre du programme porté par le CRAPE, le projet Ethique et Tic se consacre à une piste de recherche encore peu explorée : le rôle des espaces de médiations inscrits dans des dispositifs en relation avec les publics (community managers, réseaux sociaux animés par des journalistes) dans la réflexion déontologique. Comment ces espaces sont (ou non) au carrefour de débats éthiques avec les usagers et les acteurs des médias ?

Deux résultats de recherches antérieures ont soulevé la pertinence de cette piste.
En premier lieu, le projet « la presse quotidienne régionale à l’heure du numérique » mené avec le GIS M@rsouin, nous a amené à interroger les participations bénévoles pour lesquelles nous pouvions nous demander « si elles ne représentent pas une formidable manne pour les industries culturelles » (François, 2009), avec le transfert d’une partie du travail du secteur privé vers les amateurs. Il questionnait les différentes sources et ressources possibles pour les journalistes, et leur évolution avec le numérique.

En second lieu, la participation au projet Nova (Lille, ER3S) sur la responsabilité sociale des journalistes de sport (depuis 2009) a mis à jour la place accordée aux réseaux sociaux, forums et sites Internet dans les débats et discussions qui suivent la médiatisation de certains événements sportifs.).

Ces deux projets ont montré d’une part, que le CM, fonction encore mouvante, semble jouer un rôle, ouvrant un espace de médiation avec le lectorat et, d’autre part, que les journalistes et les rédactions peuvent répondre aux critiques effectuées sur le travail journalistique par le biais de blogs dits personnels (et plus d’une pratique qui semble instituée), nous souhaitons donc poursuivre ces deux pistes.