TIC, satisfaction au travail, changements organisationnels.
La diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’entreprise et les changements organisationnels qu’elle induit contribuent à modifier la perception des salariés sur leurs conditions de travail. L’objectif de cet article est d’étudier les effets de l’usage du téléphone portable, de l’ordinateur et d’Internet sur la satisfaction au travail, en s’attachant à décomposer les effets directs (propres à l’utilisation des TIC) et indirects (les effets des TIC combinées à des changements organisationnels). Nous exploitons l’enquête INSEE sur les conditions de vie des ménages, réalisée en octobre 2005. Les résultats économétriques montrent que ces trois technologies ont des effets complémentaires et globalement positifs sur la satisfaction au travail, surtout l’utilisation de l’ordinateur. Le téléphone portable, pour sa part, a des effets ambivalents, puisqu’il se révèle être aussi source de stress pour le salarié. Enfin, les résultats mettent bien en évidence l’existence d’effets directs et indirects des TIC, qui selon les cas s’opposent ou se renforcent.
ABSTRACT.
The dissemination of Information and Communication Technologies (ICT) within firms induces organizational changes which modify employee perceptions of working conditions. This article aims to evaluate the effects of the use of cell phones, computers and the Internet on job satisfaction, striving to distinguish between direct effects (due to ICT) and indirect effects (due to ICT combined with organizational changes). We have used the results of a survey by the INSEE (French national statistic institute) on standards of living in French households, conducted in October 2005. Econometric results show that these three technologies have complementary and globally positive impacts on job satisfaction, especially the computer. As for the cell phone, it has ambivalent effects, as it is also a source of stress for the employee. Finally, our results clearly show the existence of direct and indirect effects of ICT, effects which can sometimes cancel out or reinforce each other.
Key words : ICT, JOB SATISFACTION, ORGANIZATIONAL CHANGE
Introduction.
La diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les entreprises s’est accompagnée ces dernières années de nombreux changements organisationnels (production en juste à temps, management de la qualité...) Les investissements en TIC constituent le plus souvent un facteur de déclenchement ou d’accélération de ces réorganisations (Brousseau et Rallet, 1997). Les TIC en tant qu’outil de traitement et de circulation de l’information formalisée participent à la mise en place d’une meilleure coordination entre les différentes unités de l’organisation et contribuent ainsi à la performance de l’entreprise. Plusieurs études empiriques montrent que les TIC associées à une organisation plus décentralisée permettent d’obtenir des gains de productivité (Askenazy & Gianella, 2000 ; Brynjolfsson & Hitt, 2000 ; Black & Lynch, 2001 ; Bresnahan, Brynjolfsson & Hitt, 2002 ; Bertschek & Kaiser, 2004).
La diffusion des TIC et les changements organisationnels qu’elle induit concourent par ailleurs à modifier la perception des salariés sur leurs conditions de travail. En transformant la teneur et l’organisation du travail, les TIC ont des répercussions sur les motivations du salarié et sur les modes de contrôle et d’incitations mis en place par l’employeur. Les salariés utilisateurs de ces TIC en retirent-ils une plus grande satisfaction ?
Le salaire est souvent considéré comme le déterminant essentiel de la satisfaction au travail. Cependant, la satisfaction au travail dépend également d’autres éléments comme l’intérêt du travail, l’autonomie, la polyvalence ou les perspectives de promotion (Clark, 2005). De ce point de vue, les TIC ont des effets ambivalents : le salarié peut trouver dans les TIC un moyen de mieux travailler (plus d’autonomie et d’intérêt dans le travail), mais ces technologies peuvent aussi accroître la pression sur les salariés et générer plus de stress.
L’objectif de cet article est précisément de mesurer l’impact des TIC sur plusieurs facteurs de satisfaction au travail (travail enrichissant, travail sous pression, responsabilités dans la gestion des incidents, perspective de promotion), en distinguant d’une part les effets de l’usage d’un ordinateur, d’Internet et d’un téléphone portable et d’autre part en décomposant les effets directs (propres à ces technologies) et indirects (effets des TIC combinées à des changements organisationnels). Pour cela, nous mobilisons l’enquête INSEE sur les conditions de vie des ménages, réalisée en octobre 2005. Les résultats montrent que les trois technologies ont des effets complémentaires positifs sur la satisfaction au travail, surtout l’ordinateur. Le téléphone portable se révèle toutefois être aussi une source de stress pour le salarié. Par ailleurs, les résultats mettent bien en évidence l’existence d’effets directs et indirects des TIC. La décomposition des effets permet de montrer par exemple que dans le cas du téléphone portable, les facteurs de stress résultent exclusivement d’effets indirects (usage combiné d’un téléphone portable avec une flexibilité horaire). . Notre étude vient compléter la littérature existante sur l’impact des TIC sur les conditions de travail (Greenan & Walkowiak, 2004 ; Askenazy & Caroli, 2006), l’originalité ici étant de chercher à démêler les effets propres et les effets combinés à l’organisation du travail de l’usage du téléphone portable, de l’ordinateur et d’Internet sur la satisfaction des salariés.
Dans une première partie, nous discutons des effets potentiels des TIC sur les conditions de travail. La seconde partie présente le cadre conceptuel visant à démêler les effets propres aux TIC de ceux liés aux changements organisationnels. Dans une troisième partie, nous décrivons la base de données et la méthodologie utilisée. Les résultats sont présentés dans une quatrième partie. La dernière partie résume les principaux résultats et présente les perspectives de recherche.