Accès au numérique des Bretons pendant le premier confinement

, par Fabien Collas, Géraldine Guérillot , Sandra Trébaol, Soazig Lalancette

Équipements numériques et connexion dans les foyers bretons pendant le confinement

Cette note propose un état des lieux des équipements numériques dans les foyers bretons avant d’aborder les questions de la connexion internet et de la qualité du débit perçue. L’enquête CAPUNI Crise s’intéresse au ressenti des individus quant à la perception de la qualité du débit au domicile pour différents types de tâches quotidiennes nécessitant un débit plus ou moins stable.

État des lieux

Près de 9 foyers bretons sur 10 possèdent un ou plusieurs smartphones (89%). L’ordinateur est le deuxième équipement numérique le plus présent dans les foyers avec 86% des Bretons interrogés qui en possèdent au moins un à leur domicile.
Les imprimantes et scanners (73%) complètent le podium. On peut noter que l’équipement des foyers bretons est resté stable de 2019 à 2020.


Figure 1 : Équipements numériques des foyers bretons 2019/2020

Le partage des équipements numériques a-t-il posé problème dans les foyers bretons ?
La précipitation et la surprise du premier confinement ont fait que certaines personnes se sont retrouvées mal équipées ou ont dû partager leurs équipements pour télétravailler ou pour l’école à la maison.
Sans surprise l’imprimante/scanner a été le matériel le plus partagé (75%), étant donné qu’il a plutôt vocation à être utilisé par plusieurs individus. Ce qui n’est pas forcément le cas pour l’ordinateur et encore moins le smartphone.
L’enquête indique que 33% des personnes interrogées ont partagé un ordinateur avec une ou plusieurs autres personnes du foyer et cela a posé problème à 2% d’entre-elles.
Le smartphone (avec et sans accès internet) reste un équipement utilisé principalement de manière exclusive.
L’enquête révèle que le partage d’équipement, quand il a eu lieu, n’a pas posé de problème.

Figure 2 : Usage exclusif et partage des équipements numériques des foyers bretons

Les achats de nouveaux matériels durant le confinement
Les foyers étant devenus des espaces « multifonctions » pendant le confinement, certains Bretons ont dû s’équiper de nouveaux matériels numériques pour faire face à cette vie « confinée ». 5% des individus interrogés ont déclaré avoir acheté un nouvel ordinateur en raison du confinement. Nous avons cherché à connaître la provenance de ces nouveaux équipements. Plusieurs choix étaient proposés : achat neuf, achat d’occasion, prêt d’association, prêt de l’entreprise, prêt d’un proche, prêt du service public. Malgré le très faible échantillon concerné par ces nouvelles acquisitions d’équipements informatiques, il semble ressortir que les individus concernés aient surtout récupéré un ordinateur prêté par leur entreprise.

Connexion internet et perception du débit
89% des foyers bretons ont une connexion internet à domicile
L’enquête montre que 89% des Bretons bénéficiaient d’une connexion internet à domicile pendant le confinement. 6% des répondants ont déclaré ne pas savoir quel type de connexion ils possédaient, on peut néanmoins considérer qu’ils en possédaient bien une. Cela porte à 11% la part des Bretons ne bénéficiant d’aucune connexion internet. Lors de l’enquête CAPUNI 2019, 13% des Bretons déclaraient ne pas avoir de connexion internet [1], il semble donc que cette donnée reste stable une année plus tard.

Figure 3 : Type de connexion internet dans les foyers bretons

Qui sont les individus sans connexion internet depuis leur domicile (fixe et 4G) ? Description selon le niveau de diplôme, le nombre d’individu dans le foyer, l’âge et la localisation
La localisation, c’est-à-dire le fait de résider dans des zones plus ou moins urbanisées n’a pas d’impact significatif sur le fait ou non d’avoir une connexion internet dans le foyer.
Par ailleurs, ne pas avoir une connexion internet dans le foyer peut s’expliquer par différentes variables significatives dans les analyses telles que le niveau de diplôme, le nombre d’individus dans le foyer ou encore l’âge des individus. Les personnes seules, les personnes de plus de 75 ans et les personnes disposant uniquement du brevet des collèges ou d’un diplôme inférieur sont les individus les plus concernés par l’absence de connexion internet à domicile.
En revanche, les types de connexion semblent être répartis de manière inégale selon la zone d’aire urbaine. Par exemple, si l’on regarde uniquement les grands pôles urbains, 41% des Bretons y résidant ont équipé leur foyer de la fibre, contre 21% sur l’ensemble du territoire breton.
À l’inverse, dans les périphéries de ces grands pôles et dans les zones rurales isolées les Bretons semblent principalement être équipés de l’ADSL, avec respectivement 74% et 69% des individus interrogés contre 56% sur l’ensemble du territoire breton.

Qualité de la connexion : une perception qui diffère
Lors de l’enquête CAPUNI 2019, trois grands types d’usages ou d’activités avaient été définis pour mesurer la qualité de la connexion internet à domicile :
• Les usages à débit « minima » : usages ne nécessitant pas de haut débit et qui peuvent supporter une perte temporaire de connexion tels que la consultation de mail, les démarches administratives en ligne et les achats en ligne.
• Les usages qui demandent un débit « descendant important stable » : streaming vidéo ou audio, ou téléchargement de contenu.
• Les usages qui nécessitent un débit « ascendant de qualité » : conversations vidéo ou jeux en réseau.

L’enquête avait montré qu’il semblait plus difficile de faire ce que l’on souhaite en ligne si l’on habite en zone rurale isolée (ZRI) : tous usages en lignes confondus, entre 12 % et 19 % des internautes de ZRI estimaient que leur connexion est insuffisante ; cette fourchette aller de 6 % à 12 % pour l’ensemble des internautes bretons [2].
De manière générale, les internautes ont perçu la qualité de leur connexion comme moins satisfaisante pendant le confinement. Nous avons testé les facteurs pouvant influencer le fait de percevoir son débit comme insuffisant (individus répondant moyen, mauvais et très mauvais aux questions sur la qualité du débit) avant et pendant confinement [3].

Type de connexion
L’enquête montre que le type de connexion est un facteur significatif dans la perception de la qualité du débit.

Tableau 1 Perception de la qualité de la connexion internet selon le type de connexion des internautes bretons

Le tableau met en évidence les écarts significatifs avec la moyenne sur l’ensemble du territoire breton. La qualité de la connexion est beaucoup plus souvent décrite comme insatisfaisante par les internautes ayant une connexion ADSL que ceux possédant la fibre. Pour chaque usage, il y a de 9 à 25 points d’écarts entre les deux catégories.
Notons l’amplification de ce ressenti pendant le confinement, en effet les résultats de la moyenne nationale augmentent entre 9 et 11 points selon le type d’usage. Les internautes ayant une connexion haut débit ADSL ont ressenti une nette baisse de la qualité du débit de leur connexion internet avec +11 points pour les usages à débit minima et +12 points pour les usages à débits descendant et ascendant.

Tableau 2 Perception de la qualité du débit selon la catégorie d’aire urbaine des internautes bretons


La catégorisation s’appuie sur les catégories de zonage définies par l’INSSE [4] :

• Grands pôles urbains concernent 3257 communes et 37 836 276 individus (effectifs de 2010)
• Périphéries de grands pôles concernent les couronnes des grands pôles urbains : 12 305 communes et 11 679 705 et les communes multipolarisées des grandes aires urbaines : 3 980 communes et 3 295 652 individus (effectifs de 2010)
• Zones rurales isolées concernent les autres communes multipolarisées : 7 035 communes et 3 337 968 individus et les communes isolées hors influence des pôles : 7 412 communes et 3 007 579 individus (effectifs de 2010)

Au niveau de la catégorie de l’aire urbaine, l’enquête montre que les internautes vivant dans les grands pôles décrivent leur connexion beaucoup moins souvent insuffisante que la moyenne bretonne avec des écarts de 10 points.
En périphérie de grand pôle on peut noter une augmentation de l’insatisfaction vis-à-vis de la connexion pour les usages demandant peu de débit et de manière encore plus forte pour les usages demandant un débit stable de qualité, dit « ascendant » (+12 points avant le confinement).
En zone rurale isolée, on retrouve cette « insuffisance » avant le confinement, surtout sur les usages à débit descendant mais cela augmente de manière importante pendant le confinement. En effet, on peut noter des écarts de +15 points (usages à débit minima) et +16 points (usages à débit descendant) pour les internautes vivant en zone rurale isolée qui estiment leur connexion comme insuffisante par rapport à la moyenne bretonne.

Nombre de personne dans le foyer

Nous avons également cherché à savoir si le nombre de personne dans le foyer pouvait influencer cette perception de la qualité du débit. Les résultats montrent que cela n’était pas significatif avant le confinement mais cela le devient pour les foyers à 3 personnes ou plus pour les usages à débit minima. Il est possible que les problèmes ne viennent pas de la connexion en elle-même, mais du partage de l’accès wifi à l’intérieur du foyer. Les nouveaux usages numériques apparus durant le confinement ont aussi pu jouer sur la perception de qualité du débit. En effet, les individus impliqués dans le suivi scolaire d’un enfant durant le confinement disent avoir ressenti une baisse de la qualité de leur connexion pour les usages à débit « minima ». En revanche, aucun effet du télétravail n’a été observé sur la perception de la qualité du débit.

Conclusion

L’enquête CAPUNI Crise montre que les Bretons ont ressenti une baisse de la qualité du débit de leur connexion internet pour leurs tâches quotidiennes pendant le confinement. Le confinement a également amplifié les écarts entre les internautes estimant la qualité de leur connexion comme suffisante et ceux l’estimant insuffisante, selon leur type de connexion ou leur catégorie d’aire urbaine.
Cependant les équipements numériques ont permis aux Français de continuer leurs activités [5] malgré la situation exceptionnelle et également de développer leurs compétences ou encore de se familiariser avec de nouveaux usages. Ces points seront abordés plus en détails dans la note consacrée aux usages numériques des Bretons pendant le confinement du printemps 2020.

Encadré sur l’enquête CAPUNI Crise
L’enquête CAPUNI Crise a été réalisée pour le compte du Groupement d’Intérêt Scientifique Marsouin. Soutenue par la Région Bretagne et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, « CAPUNI crise » a permis d’interroger par téléphone un échantillon représentatif de la population bretonne (1501 Bretons dont 1001 individus représentatifs de la population bretonne et un échantillon spécifique de 500 individus vivant en zones rurales isolées ). La représentativité est assurée par la méthode des quotas sur les critères d’âge, de sexe, de catégorie socioprofessionnelle, de taille d’unité urbaine de résidence et de département.
L’enquête a porté sur les équipements et usages numériques avant et pendant le confinement, ainsi que sur l’école à la maison et le télétravail.
Les usages des très faibles échantillons ont été interprétés à la lumière des enquêtes antérieures ou des travaux qualitatifs des chercheurs de Marsouin.
Pour plus d’informations, https://www.marsouin.org/article1214.html.
Le Groupement d’Intérêt Scientifique Marsouin a été créé en 2002 à l’initiative du Conseil Régional de Bretagne. Il rassemble les équipes de recherche en sciences humaines et sociales des quatre universités bretonnes et de trois grandes écoles, soit 18 laboratoires, qui travaillent sur les usages et transformations numériques.