Une formation de trois jours, organisée par le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) à l’INSET d’Angers s’est déroulée les 5, 6 et 7 décembre dernier.
Ciblant plus particulièrement les professionnels du secteur social et médico-social, elle avait pour principaux objectifs de :
- Appréhender les enjeux liés à la réalisation des actes de la vie quotidienne dans une société où le numérique est partout ;
- Situer le numérique dans une approche critique de ses usages et identifier ses différents modes d’appropriation ;
- Appréhender la notion d’inclusion numérique (ou "e-inclusion") ;
- Identifier les impacts du numérique sur les métiers de l’action sociale
- Identifier, avec les participants, les pratiques autour du numérique à l’oeuvre dans le travail social, et les leviers d’action pour accompagner les publics.
Venus des 4 coins de la France, une douzaine de professionnels aux profils hétérogènes étaient au rendez-vous pour cette session animée par trois intervenantes et une référente de l’INSET d’Angers.
Trois jours rythmés d’apports, de partage d’expériences et d’analyses collectives.
Le point de départ de la formation : un colloque sur le non recours
En novembre 2015, l’INSET d’Angers organisait une rencontre sur le non-recours aux droits et aux services à destination des professionnels des collectivités territoriales, en partenariat avec l’Observatoire des non-recours aux droits et aux services (Odenore). Une des tables-rondes introduisait les enjeux du numérique, notamment en terme d’accès aux droits, interrogé par la dématérialisation de plus en plus importante des services publics. La présence de l’Agence nationale de la lutte contre l’illettrisme, du Secrétariat Général de la Modernisation de l’Action Publique (SGMAP) et de la Ville de Brest a permis de partager les enjeux de cette dématérialisation et d’ouvrir le champ des possibles, en matière d’action publique et d’action sociale, notamment à travers l’expérience du projet "Internet en habitat social" sur le territoire brestois.
Fort de cette expérience et cette table-ronde ayant suscité de vives réactions parmi les participants, l’INSET a souhaité expérimenter une formation spécifique sur le sujet, à destination des professionnels du champ des politiques sociales.
Une formation co-écrite, co-organisée
Cette question étant encore émergente et peu explorée dans ses usages, la mise en réseau et la co-construction pour définir cette formation ont été essentielles. Il s’agissait également, à travers ces 3 jours, de
- faire se rencontrer des professionnels autour du numérique et de son impact dans leurs pratiques d’action sociale,
- permettre la construction d’une vision partagée de l’inclusion numérique pour agir.
La mise en place d’une équipe d’intervenants associant expertise territoriale, numérique et pédagogique avait tout son sens, avec :
- Elisabeth Le Faucheur, Responsable du service Internet et expression multimédia de la Ville de Brest, engagée depuis de nombreuses années sur l’appropriation du numérique par tous,
- Margot Beauchamps, coordinatrice des activités du groupement d’intérêt scientifique M@rsouin, réseau breton de chercheurs en sciences sociales travaillant sur les usages numériques,
- Marie-Hélène Féron, spécialiste de l’innovation sociale numérique et des tiers-lieux et,
- Amandine Robin, responsable de pôle Politiques sociales à l’INSET d’Angers.
Une approche élargie, une ouverture du champ des possibles
Si l’intitulé de cette formation ciblait la question de l’accès aux droits et de la fracture numérique, l’approche se voulait volontairement plus large, afin d’apporter une prise de recul nécessaire à la construction d’une vision commune du numérique dans le secteur.
Au-delà de la question de l’accès aux droits, il s’agissait de revenir sur les promesses révolutionnaires d’Internet pour les confronter à la réalité des pratiques numériques et de ses effets.
Ont ainsi été abordés les thèmes suivants :
- le renouvellement de la citoyenneté : reconfiguration des modes d’accès à l’information, d’expression, de participation, et de coordination des actions collectives ;
- la transformation des modes d’accès aux savoirs,
- la question des sociabilités numériques,
- la transformation du travail,
- les nouveaux modes de partage, de mutualisation et d’échanges de pair-à-pair liés aux plateformes numériques.
Ces sujets ont été abordés avec pour trame de fond la question, qui reste ouverte, du potentiel de transformation sociale d’Internet.
La question des modes de régulation par les pouvoirs publics a également été discutée, tant à travers les leviers d’action publique liés à la médiation numérique qu’à travers l’exemple de la récente loi pour une république numérique.
La question de l’appropriation des usages a été largement évoquée avec la présentation d’initiatives portées par des acteurs brestois en direction de différents publics (enfants, personnes isolées, décrocheurs...) et des productions/réalisations construites par ces publics (webradio, webTV, reportages....). Ce petit tour d’horizon a permis de montrer les multiples façons d’acquérir de nouvelles habilités numériques, par plaisir et non uniquement par contrainte.
L’exemple de la politique publique conduite sur Brest depuis 1995, a permis à chacun de se représenter les composantes permettant de créer un contexte favorable à l’émergence de projets portés en coopération par des acteurs multisectoriels.
Des questions encore ouvertes
Ces trois journées mettent à jour les questions que pose l’essor du numérique à l’action sociale, et abordent de manière ouverte, les différentes postures adoptées par les travailleurs sociaux face à des publics souvent mis en défaut par le numérique.
- Comment aider les publics à gagner en autonomie ?
- Quelles règles adopter en matière de respect de la vie privée des personnes accompagnées ?
- A qui revient le devoir d’accompagner les publics vers une meilleure appropriation du numérique ?
- Comment le numérique peut-il faciliter l’émergence de formes d’accompagnement plus collective ?
Les postures sont encore à inventer, à construire dans la coopération et la formation a permis de soulever des questions auxquelles il ne s’agit pas de répondre de manière définitive. Il s’agit plutôt de se doter de méthodes et d’outils permettant d’identifier les leviers, propres à chaque territoire, qui aident à concevoir une action sociale intégrant les enjeux d’inclusion numérique.
Il s’agit enfin de contribuer à la dissémination d’une culture numérique partagée tant par les travailleurs sociaux que par les publics qu’ils accompagnent.
Une vision partagée de l’inclusion numérique pour agir
Des journées denses en contenus et échanges où les points de vue ont pu être confrontés, enrichis. La formation telle qu’imaginée s’est jouée dans l’interaction entre intervenants et stagiaires. Chacun ayant appris de l’autre. Au final, le groupe est arrivé à une vision partagée du numérique, de ses enjeux et des questions qui se posent dans l’action sociale.
C’est un point de départ important pour tisser des ponts entre des mondes et construire ensemble les réponses adaptées au public.
En conclusion de ces 3 journées, tous les stagiaires étaient dans l’urgence de retrouver leur territoire et pouvoir commencer ou poursuivre leurs actions au regard de ce regard croisé et enrichi sur le numérique, souvent vécu comme une contrainte mais qui se révèle être une réelle opportunité pour donner ou redonner de la capacité à tous.
Elisabeth Le Faucheur, Margot Beauchamps, Marie-Hélène Feron, Amandine Robin
Voir en ligne : Article initiallement publié sur le site a-brest