Nous étudions un échantillon de 2000 internautes français inscrits sur Facebook, afin de déterminer les caractéristiques des personnes qui en font le plus grand usage. Nous montrons que ce réseau social numérique semble plus utilisé par des individus à capital culturel plus faible qui en font un instrument de reconnaissance au sens d’Honneth. Ils semblent notamment plus enclins à y exposer leur quotidien par dépôt de photos répondant ainsi à une injonction de visibilité. Cette première étude devrait être complétée par une mesure de l’impact sur leur capital social et par une étude de la structure du réseau destinataire et commentateur de leurs messages.
Avec plus d’un milliard 300 millions d’inscrits Facebook offre une plate-forme d’interactions excessivement vaste, qui facilite singulièrement « la visibilité », répondant ainsi à l’injonction de nos sociétés modernes. Mais du coup l’usage généralisé de Facebook ne préfigure-t-il pas ce que G Ganascia appelle la « sous-veillance de tous par tous », au sein d’un système, le « Catopticon », qui fait référence au « Panopticon » évoqué par M. Foucault pour interpréter l’organisation des sociétés modernes ? Ou bien au contraire Facebook n’est-il pas tout simplement un système commode permettant aux individus de mieux interagir et se coordonner ? Le téléphone, quand il a été inventé en 1876, n’a-t-il pas engendré les mêmes craintes alors qu’au final, même si dans sa version mobile il traduit une injonction de présence permanente, il fournit énormément de services aux personnes qui en deviennent même parfois totalement dépendantes ?
S’agissant d’un dispositif technique qui connecte autant de personnes et qui offre autant de supports d’interaction (photos, videos, textes, conversations en direct) la question se pose de ses usages. Nous traitons ici d’un problème particulier : A qui Facebook procure-t-il véritablement un « bénéfice » (pris dans un sens très large) et pourquoi ces personnes y ont-elles autant recours ? Pour répondre nous nous appuyons sur une enquête nationale effectuée auprès de 2000 internautes français de plus de quinze ans et disposant d’un compte Facebook, représentatifs de la population de ces internautes par âge, sexe, CSP (Catégorie Socio professionnelle).
Nous montrons que Facebook permet à une catégorie de population plutôt défavorisée sur le plan culturel, d’obtenir une certaine forme d’attention et pour cela elles ont tendance à y déposer beaucoup d’images d’elles même. Ce comportement nous paraît conforme à la théorie de la reconnaissance de Honneth, et permet d’affirmer que le réseau social agit comme un compensateur. Notre démonstration s’appuie sur la construction de deux modèles économétriques établissant une causalité entre l’appartenance à cette catégorie de personnes et leur comportement sur Facebook.
Le plan de l’article se déduit naturellement de cette approche. Dans un premier paragraphe nous posons le cadre théorique à l’appui de notre hypothèse de recherche. Dans le second nous discutons des particularités de Facebook vis-à-vis des conclusions portées dans le cadre théorique, sur la reconnaissance et la visibilité et cela nous conduit à formuler deux hypothèses testables statistiquement. Dans la troisième partie nous présentons les résultats empiriques et en conclusion nous esquissons deux voies d’approfondissement à partir de nos résultats.
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