Paradoxalement, le succès d’Internet, la multiplication des services accroissent l’écart entre ses utilisateurs et les publics qui en sont éloignés par la géographie, la culture ou d’autres formes d’isolement.
Notre projet s’intéresse aux initiatives prises pour les amener à l’usage d’Internet, afin de faire évoluer les actions/formations destinées à ces publics. Nous analyserons les freins à l’usage à partir d’une enquête en habitat social, et, en parallèle les actions menées dans une ville pionnière de ce type d’initiative (Brest, ville 4@). Nous proposerons aussi une description des usages développés par des individus qui, malgré un profil d’"exclus numériques" se sont néanmoins appropriés ces technologies. Ce projet est réalisé dans le cadre du premier appel à projet sur les usages d’Internet du Ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies.
Il est réalisé par M@rsouin, en partenariat avec France Télécom R&D et la Ville de Brest.
Sa durée prévue est de 18 mois, à partir de mai 2004.
Objectifs du projet.
Paradoxalement, le succès d’Internet, la multiplication des services accroissent l’écart entre ses utilisateurs et les publics qui en sont éloignés par la géographie, la culture ou différentes formes d’isolement. Et aujourd’hui le développement des services en ligne (dont l’emblème est le site http://www.service-public.fr/) risque d’accentuer l’exclusion sociale des non connectés ou des personnes non formées. Notre projet s’intéresse aux initiatives prises pour amener les individus qui ont un profil d’"exclus numériques" à pouvoir accéder à un usage réel d’Internet.
Internet n’est pas un artefact monolithique mais un "objet processuel". Il recouvre des réalités fort variées qui tiennent aux terminaux mobilisés ainsi qu’aux interfaces et aux contenus sélectionnés/délaissés dans le cours des pratiques. Ce caractère hétérogène du réseau des réseaux est d’autant plus affirmé que sa diffusion de plus en plus large au sein des différentes strates de la population témoigne de l’accrochage de nouveaux publics dont les identités sociales sont plus nettement variées. Si nous voulons saisir les pratiques qui structureront ultérieurement la configuration des réseaux, il devient indispensable de prêter une plus grande attention à la variété des pratiques, aux contenus mobilisés et aux formes de liens qui s’établissent entre les réseaux sociaux et les réseaux électroniques.
On a là un questionnement théorique en sociologie, celui du rôle des identités sociales dans les phénomènes d’appropriation des technologies d’Internet. Il rejoint un problème social évident, celui des actions à mener pour réduire le fossé numérique, qui est de plus en plus synonyme d’exclusion sociale. Cela rejoint l’objectif "technique" qui est l’amélioration des dispositifs publics d’accès à Internet (points d’accès publics de la Ville et du pays de Brest d’abord, mais aussi des autres points d’accès publics).Nous voulons donc améliorer la "compréhension, par le recours à des démarches scientifiques solides, des pratiques de l’Internet déjà mises en œuvre et encore mal connues" des populations socialement "éloignées d’Internet", visant le volet 3 de l’appel du MRNT, l’intégration dans la société de ces groupes de population que nous aurons identifiés.
Organisation du projet.
Les principales étapes sont :
– la réalisation d’une enquête (sondage puis entretien en face-à-face auprès d’une sous-population panel d’une part, étude des pratiques dans les espaces publics brestois d’autre part) auprès de publics appartenant aux classes dites populaires (i.e. répondant à des critères socio-démographiques comme le niveau de revenu, le type d’habitat, etc.), portant à la fois sur les conditions de vie objectives des personnes (travail, sociabilités, loisirs, etc.) que sur la structuration de leurs éventuelles pratiques d’Internet. Objectif : proposer une typologie de leurs "pratiques numériques" ;
– l’étude sur trois quartiers socialement défavorisés, deux en région parisienne et un à Brest, à base d’entretiens semi-directifs auprès des habitants des quartiers. Objectif : évaluer les attentes des personnes n’utilisant pas Internet et surtout l’impact des politiques volontaristes menées à Brest sur ces usages ;
– la mise en commun de ces travaux pour proposer des améliorations dans les politiques de formation, d’implication des populations éloignées d’Internet.
Retombées du projet.
Les valorisations immédiates de ce projet seront en terme de publication scientifiques (par exemple, on peut envisager un numéro spécifique de la revue Réseaux portant sur la question des usages d’Internet au sein des populations socialement défavorisées).
Cependant, considérant le fait qu’il doit permettre de mieux connaître les attentes des populations socialement éloignés d’Internet, nous estimons que ces résultats pourront aider à l’amélioration de l’efficacité des politiques menées en leur faveur. Nous avons la volonté de diffuser ces résultats le plus largement possible.
Références scientifiques.
La sociologie des usages s’est peu occupée de ces catégories socio-professionnelles, préférant porter son attention sur des groupes sociaux plus "représentatifs", plus "technophiles", dont on présuppose qu’ils possèdent des répertoires d’usages beaucoup plus étoffés (cf. par exemple l’enquête du CREDOC de novembre 2002). Notre démarche s’inspire en partie des travaux de l’École de Birmingham dont l’objectif originel était d’analyser la place et la fonction de la culture au sein des classes populaires, l’ambition que nous nourrissons est notamment de saisir le sens des pratiques télématiques des catégories sociales populaires ou considérées comme telles.
Elle reposera principalement sur une méthodologie d’enquête (entretiens en face-à-face) auprès d’une population suffisamment large de représentants des sous-publics étudiés (utilisateurs d’Internet et non-utilisateurs dans les quartiers). Nous utiliserons aussi le dispositif des 54 lieux d’accès public à Internet "Papi" développés par la ville de Brest (Brest, ville 4@) pour proposer une description des usages développés à partir des lieux de formation publics. Enfin et pour compléter notre analyse, nous étudierons les freins à l’usage à partir d’une enquête en habitat social auprès des non-utilisateurs.
Demande sociale.
Après six ans de déploiement, un nombre important de lieux d’accueils des publics éloignés offrent aujourd’hui un accès accompagné à internet. Notre projet répond à la volonté, exprimée notamment par la ville de Brest (ville 4@ au label des Villes-Internet) et de ses partenaires (Villes-Internet, association Vecam), de les aider à faire évoluer leurs politiques d’accès public à Internet (développement d’une cinquantaine d’espaces publics numériques, de formations), notamment en directions des personnes qui apparaissent les plus éloignées à Internet.
Cela rejoint une interrogation forte au niveau breton (il existe une réflexion en cours sur le programme régional de création de points d’accès publics, le programme "cybercommunes", à laquelle participe Marsouin, voir l’étude de Marsouin), et au niveau national, comme le montre l’appel du Ministère.