[Cahier de recherche] Nouvelle et ancienne économie : vers une intégration réussie ?

, par Godefroy Dang Nguyen, Olivier Mével

Mots clefs : e-commerce, Internet, logistique, commerce traditionnel.

Résumé.

Ce papier fait un bilan du commerce électronique sur Internet dix ans après son démarrage. On y constate des résultats inattendus qui sont liés aux spécificités de la vente sur le Net : excès d’information, mais difficulté de posséder l’information pertinente, poids de la logistique, ampleur inouïe du catalogue (la « longue traîne »), mais étroitesse de la gamme livrée à des conditions convenables. Les entreprises qui y ont réussi ont mis sur pied un marketing mix et un management de la chaîne logistique originaux qui répondent à ces défis : « effet podium », conseil gratuit, gestion des appariements et de la production collective d’information, spécialisation sur le « discount », maîtrise logistique en partenariat avec les entreprises « brick and mortar », Ces dernières désormais ont aussi appris les leçons du commerce électronique et un phénomène d’hybridation est en train de naître. En rentrant dans le rang, le commerce électronique est en train de transformer profondément la pratique du commerce.

Mots clefs : e-commerce, Internet, logistique, commerce traditionnel.

ABSTRACT.

This article proposes to assess Internet e-comerce after 10 years of activities. There are some unexpected results, due to some specificities of Internet selling : excess of information, but difficulties to have relevant information, importance of the logistic, size of the portfolio (the “Long tail”), but small part of the offers able to be provided at acceptable conditions. Successful firms have settled original mix-marketing and logistic chains to take up these challenges : “podium effect”, free advise, matching management, management of the collective production of information, specialization on discount, management of the logistic part in association with “brick and mortar” firms. The latters have also learned from e-commerce. A phenomenon of hybridization is emerging. Coming back into line, e-commerce is transforming radically the commerce.

Key words : e-commerce, Internet, logistic, brick and mortar.

Introduction.

Le commerce électronique a suscité de grands (voire de fols) espoirs durant l’expansion de la bulle financière entre 1998 et 2001. Le dégonflement de cette dernière a conduit à des faillites retentissantes et à un scepticisme généralisé, malgré quelques succès isolés mais éclatants (eBay, Amazon...) Depuis la fin de l’année 2004 cependant, les entreprises qui pratiquent le commerce électronique constatent un décollage certain de leurs ventes, qui va d’ailleurs en s’amplifiant. Ainsi en France, le chiffre d’affaires du commerce électronique connaît une croissance annuelle de plus de 50%, pour atteindre près de 10 milliards d’euros en 2005. Cela semble démontrer que les consommateurs font désormais confiance à l’économie numérique, d’autant que ce chiffre d’affaires avoisinait les 700 millions d’euros en 2000 et 1,7 milliard d’euros en 2002. En outre le seul volume d’affaires du commerce B to C (Business to Consumer) avait crû de 37% en 2005 pour se situer à 6,7 milliards d’€ [1].

Yahoo et Amazon ont été fondés en 1995 et il est temps dix ans après, de tirer un bilan de ce qu’apporte le « e-commerce » au commerce traditionnel : complément ou substitut ? Quels sont les domaines où cet apport a été le plus marquant, et pourquoi ? Quel « modèle » les « startups » ont-elles imposé au commerce électronique ? Quel futur pour la vente en ligne ? Comment les entreprises traditionnelles s’y sont-elles adaptées ? Autant de questions dont la réponse passe par une analyse « théorique » des tenants et des aboutissants du commerce électronique. Notre approche cependant part d’abord du terrain, pour y repérer les principales régularités dans les tendances d’un secteur assez foisonnant. Il importe aussi de décrire le processus d’hybridation désormais à l’œuvre entre les firmes de l’ancienne et de la nouvelle économie.

L’ article établit un constat très inattendu : les entreprises qui réussissent ne sont pas celles que l’on attendait et ne se trouvent pas dans les secteurs prévus (Partie 1). Pour expliquer cela nous montrons (Partie 2) que les spécificités de la vente en ligne par rapport à la vente traditionnelle obligent à exacerber certaines pratiques commerciales comme « l’effet podium » et le pilotage de la chaîne logistique par l’aval, afin de lutter contre certaines « asymétries informationnelles » et de se créer une notoriété : le vrai facteur de succès est, paradoxalement, la capacité à gérer les lacunes informationnelles, dans un contexte (Internet) où l’information n’a jamais été aussi abondante. La leçon qu’en ont tiré les acteurs (et notamment les entreprises de l’ancienne économie) a conduit à un phénomène d’hybridation dont nous présentons les premiers jalons d’analyse dans la Partie 3, en nous appuyant sur une étude de cas, Château Online. En conclusion nous offrons quelques perspectives de recherche future.