Le télétravail dans les entreprises ligériennes

, par Fabien Collas, Sandra Trébaol

L’observatoire de Marsouin a mené une enquête sur les usages du numérique des entreprises ligériennes. Du 14 juin au 31 juillet 2021, 1 346 entreprises ligériennes ont répondu en ligne, par courrier ou par téléphone à la toute première enquête Entreprises de l’observatoire de Marsouin en Pays de la Loire.
Cette note propose un état des lieux du télétravail au sein des entreprises ligériennes, ainsi que les effets de la crise sanitaire sur leur organisation.

TÉLÉTRAVAIL ET CRISE SANITAIRE

En France, en 2017, seulement 3% des salariés pratiquaient le télétravail plus d’une fois par semaine, d’après l’INSEE. A la fin du mois de mars 2020, 25% des travailleurs français étaient en télétravail [1]. La crise sanitaire a forcé les entreprises à recourir au télétravail pour maintenir leur activité. Mais ce nouveau contexte de travail n’a pas pu être mis en place de façon égalitaire au sein des différentes entreprises ligériennes.

Quelles entreprises ont dû cesser leur activité lors du premier confinement ?

Durant le premier confinement 44% des entreprises ligériennes ont dû cesser leur activité. Les entreprises ont été différemment touchées selon leur secteur d’activité, certains secteurs pouvant beaucoup plus difficilement mettre en place le télétravail. Par exemple, près de 77% des entreprises du secteur de la construction ont été contraintes de cesser leur activité. A l’inverse, 26% des entreprises du secteur des services ont été forcées d’en faire de même.

L’enquête Marsouin CAPUNI Crise menée auprès des individus français en 2020Source : Enquête CAPUNI Crise 2020 de Marsouin [2] montrait que les télétravailleurs étaient surreprésentés dans les professions intermédiaires (44% des télétravailleurs), ainsi que les cadres et professions intellectuelles supérieures (27% des télétravailleurs), alors que les employés (21%) et ouvriers (5%) avaient peu accès au télétravail. Le secteur de la construction comprenant majoritairement des ouvriers, ces chiffres confirment la mise en place presque impossible du télétravail pour les entreprises de ce secteur et donc la cessation d’activité inévitable lors du premier confinement.

L’enquête montre également que les plus grandes entreprises ont été moins touchées par la cessation d’activité que les plus petites : un tiers des entreprises de plus de 50 salariés (34%) contre près de la moitié pour les entreprises de 10 à 20 salariés (49%).

Évolution du télétravail avec la crise sanitaire

Au total 65% des entreprises ligériennes ont dû mettre en place du télétravail lors du premier ou du second confinement de 2020. Sans grande surprise, il y a une augmentation importante de la part des entreprises pratiquant le télétravail (quelle que soit la part des salariés qui font du télétravail) entre « l’avant crise sanitaire » et le premier confinement (+43 points de pourcentage).

Comme l’illustre le graphique 2, 27% des entreprises ligériennes ont donc mis au moins 25% de leurs salariés en télétravail en mars 2020. Puis cela est redescendu au confinement de l’automne 2020 (21%). Par ailleurs, quand il est question d’envisager « l’après crise sanitaire », les entreprises sont 9% à penser qu’au moins un quart de leurs salariés continueront le télétravail.

La ligne jaune représente ici la part des entreprises ligériennes (24%) qui considèrent qu’au moins un quart des postes de l’entreprise sont télétravaillables. Ce seuil a été dépassé lors du premier confinement. Les entreprises ont donc mis plus de leurs salariés en télétravail que ce qu’elles estimaient pouvoir.

Le télétravail, une contrainte ou une opportunité

Le télétravail en temps de confinement n’était pas une situation de télétravail ordinaire, et beaucoup de salariés ont subi cette nouvelle organisation de travail soudaine. 44% des télétravailleurs confinés déclaraient ne pas vouloir continuer à faire du télétravail [3]. En prenant en compte uniquement les entreprises ligériennes qui ont fait du télétravail, la part de celles qui ne nous souhaitent pas poursuivre l’expérience est de 42%.
Ce souhait est particulièrement fort dans le secteur de la construction (64%) ainsi que pour les entreprises de plus petite taille, de 10 à 20 salariés (51%).
Les études tendent à montrer que le télétravail est de manière générale plus plébiscité parmi les travailleurs qualifiés [4] cela semble se vérifier ici par le fait que les secteurs employant moins de travailleurs qualifiés ne souhaitent pas pratiquer le télétravail.
A l’inverse, parmi les entreprises ayant mis en place du télétravail durant l’un des deux confinements, 24% n’en avaient jamais fait mais souhaitent continuer à en faire dans le futur.

Adoption et organisation du télétravail dans les entreprises

Les limites à la mise en place du télétravail

Traditionnellement, les inconvénients pour la mise en place du télétravail cités par les employeurs sont : la perte d’une forme de contrôle managériale, l’investissement pour les systèmes d’information, la diminution de l’implication, de la loyauté et la sociabilisation problématique des nouveaux engagés, la gestion des équipes à distance [5].
Le Tableau 1 présente les différentes réponses apportées par les entreprises ligériennes ayant fait l’expérience du télétravail durant les confinements.

Pour les deux tiers des entreprises, son développement est limité par la nature des activités de l’entreprise, qui ne peuvent pas s’effectuer à distance.
Les problèmes liés au matériel et à l’équipement (14%) ne sont pas beaucoup mis en avant. D’après l’enquête, les effets psychosociologiques (démotivation, désocialisation, déshumanisation, etc.) [6] liés à la distance et les problèmes organisationnels seraient les principaux freins à la mise en place du télétravail plutôt que des problèmes matériels.
Les entreprises ayant réalisé du télétravail semblent s’être vite adaptées aux outils de travail à distance si elles ne les utilisaient pas déjà avant. Elles sont ainsi 84% à utiliser des espaces de travail partagés, et 78% des outils de visioconférence.

Télétravail et bien être des salariés

Comme indiqué dans le Tableau 1, la première limite citée par les entreprises par rapport au télétravail est la motivation des salariés à distance et les risques psycho-sociaux que cela pourrait impliquer. Près d’une entreprise sur trois ayant fait du télétravail durant l’un des confinements, a mis en place une charte sur le droit à la déconnexion de ses salariés.
Les plus grosses structures étant plus souvent soumises à des obligations sociales, il n’est pas étonnant de voir que plus de la moitié des entreprises de plus de 50 salariés (56%), et notamment dans les entreprises de groupes internationaux (61%), ont mis en place cette charte.
Le secteur d’activité joue encore une fois un rôle important sur le fait d’avoir, ou de ne pas avoir, mis en place une charte de droit à la déconnexion. En effet, les entreprises appartenant à des secteurs dont l’activité est plus fortement numérisée, comme les « services », sont 41% à l’avoir fait, contre 16% pour les entreprises du secteur de la construction par exemple (où la question de la déconnexion se pose moins en temps normal).

Perception du télétravail

Plus du tiers des entreprises qui ont dû mettre en place du télétravail au premier ou au deuxième confinement estiment que la perception du télétravail a changé « en bien » que ce soit pour les managers (35%) ou pour les salariés (39%).
Les entreprises qui estiment que la perception a changé de manière positive (pour les salariés comme pour les managers) sont les plus grandes entreprises et notamment les entreprises de groupes internationaux.
Encore une fois dans les secteurs pour lesquels le télétravail n’est pas compatible avec la nature de l’activité, tel que le secteur de la construction, l’évolution de la perception « en bien » s’est moins faite ressentir.