Même si le marché des biens immatériels fonctionne sur le modèle du clivage entre le milieu amateur et la sphère professionnelle, force est de constater que l’âge du consommateur, destinataire passif de produits et de services est révolu. En effet, le web 2.0 est le domaine privilégié de l’usager doté de divers outils numériques qui lui permettent d’initier ses propres activités. Il s’agit d’une évolution majeure qui ne se limite pas à quelques groupes circonscrits ou à une élite, mais concerne la masse des usagers qui transcendent parfois leur condition de consommateur « cueilleur » pour « brandir » les outils qui contribuent à les situer à la tête d’une chaîne de production et de partage de contenus, de logiciels et de services.
Ce processus de métamorphose de l’usager, inspiré par la technologie P2P et consacré par l’explosion du web 2.0, est déjà bien entamé et il a changé le paysage des communications en ligne au point de rendre désuets l’email et le site web classique. Cependant, la recherche juridique sur ce sujet n’est qu’à ses débuts et elle présente de nombreux défis pour les juristes confrontés à la dissolution de la frontière entre professionnel et amateur, public et privé, consommateur et fournisseur ou prestataire.
En effet, l’usager web 2.0 jouit de privilèges sans précédent grâce aux outils particulièrement ergonomiques dont l’emploi ne nécessite pas l’intervention d’une classe étroite de prestataires initiés. Des réseaux P2P aux réseaux sociaux et mondes virtuels, les internautes se transforment en auteurs, développeurs de logiciels et d’applications, responsables de la sécurité, nœuds d’une transmission de données démocratisée, journalistes sans carte de presse, mais avec un public friand d’information. Le nombre de vidéos partagés sur YouTube, le succès des commerçants de Second Life ou le fait que les bloggeurs forment la nouvelle profession la mieux représentée aux Etats Unis, témoigne du succès du web 2.0. En même temps, on constate qu’il est difficile de définir le cadre juridique des activités des nouveaux auteurs, travailleurs et prestataires de services.
L’enjeu majeur de la recherche juridique dans ce domaine est de déterminer quelles sont les règles juridiques encadrant la fourniture de produits et de services par l’usager et de préciser la nature et l’étendue de la responsabilité qui devrait accompagner chacun des nouveaux statuts assumés par les adeptes des outils web 2.0. Il est utile de souligner que la liberté et les nouvelles facultés dont jouissent les membres des communautés numériques ont une contrepartie, qu’il s’agisse du droit d’auteur pour les créateurs de contenus et de logiciels, ou de la responsabilité au titre des contenus communiqués et des fonctionnalités techniques assurées par l’usager. Si l’internaute amateur « usurpe » le trône du fournisseur professionnel, il convient qu’il soit conscient tant des avantages indéniables de cette « prise de pouvoir » et des droits acquis, que de la responsabilité qui est inévitablement associée à la communication et à la mise à disposition de produits et de services.