Les relations créatives des entreprises entre proximités et technologies : un état de l’art.

, par Christophe Cariou

diffusion des connaissances, utilisation des TIC, proximité géographique, changement technique.

Ce travail part d’un constat : la relation entretenue entre les connaissances diffusées et les technologies utilisées s’avère relativement bien documentée au sein des entreprises. Il n’en va pas de même entre les entreprises, plus particulièrement lorsque la problématique de la localisation est considérée. L’objet de ce rapport est de réaliser un état de l’art du lien entre les connaissances échangées, les technologies utilisées, les relations des entreprises et la localisation de ces relations. Ces thématiques s’avèrent présentes dans la littérature mais deux par deux le plus souvent, et jamais ensemble en tous les cas. Cet état de l’art nous permet de poser des hypothèses à tester dans le cadre d’une étude empirique réalisée sur des relations entre entreprises.

ABSTRACT.

This work is based on the following statement : if the relation between the type of knowledge diffused and the technologies used within firms is quite well known, this is not the case between firms. This is even more true when localization is considered. So the goal of this report is to propose a review of the literature on the links between the knowledge exchanged, the technologies used, the relations between firms and the localization of such relations. These themes are studied in the literature, but more often two by two, and never together. This review helps us to propose some hypothesis to be tested in an empirical study.

Keywords : knowledge diffusion, ICT use, geographical proximity.

Petite introduction d’économie des proximités.

L’économie des proximités étudie les différentes dimensions que couvre le concept de proximité, et l’impact de ces proximités sur l’innovation et la dynamique d’agglomération. À partir de ces travaux (Torre et Gilly, 2000 ; Bouba-Olga et Grosetti, 2005), il est possible de distinguer les formes suivantes :

  • la proximité géographique représente la distance et/ou le temps nécessaire pour relier deux localisations distinctes ;
  • la proximité institutionnelle représente les institutions - organismes et les institutions - règles du jeu :
    • la première renvoie à l’histoire, la culture, la langue, la législation et toute autre représentation collective géographiquement localisée ;
    • la seconde renvoie à l’existence d’organismes réunissant certains acteurs et ayant un objectif localisé, à savoir les associations diverses et variées ayant pour objet le développement local, le management d’une technopole, etc. ;
  • la proximité technologique traduit le fait que deux organisations travaillent à partir des mêmes technologies, ou plus simplement au sein d’activités identiques ; l’idée est que les besoins, les possibilités et les bénéfices d’une telle coopération sont plus élevés ;
  • la proximité organisationnelle peut être comprise au sein de l’entreprise, c’est-à-dire qu’elle favorise les collaborations, ou entre les entreprises, c’est-à-dire l’appartenance à un même groupe, à une même entreprise multi-établissements, ou encore deux entreprises sont plus à même de mieux collaborer si leur fonctionnement est proche, si les départements concernés sont proches, etc. ;
  • la proximité cognitive se rapproche de la proximité technologique mais au niveau des individus : deux ingénieurs sont plus proches qu’un ingénieur et un chercheur ; cette proximité renvoie aux problématiques de communication envisageable, de manière de pensée propre à son métier et à son entreprise ;

la proximité relationnelle revient à la proximité organisationnelle mais entre des individus ; l’idée est de mettre en avant le fait que des personnes qui se connaissent mieux ont plus de facilité et d’efficacité à travailler ensemble.

Comme le souligne Boschma (2005), l’économie des proximités se trouve dans une phase où elle doit améliorer la compréhension de l’enchevêtrement de ces proximités. Les proximités cognitive et relationnelle sont en effet favorisées par la proximité organisationnelle et la proximité institutionnelle, etc. Il est alors nécessaire de préciser l’utilisation faite de ces concepts.

Les proximités considérées dans ce rapport sont présentées dans la figure 1=ci-dessous.

L’utilisation du concept de proximité technologique renvoie alors uniquement aux différences sectorielles entre les entreprises. Le concept de proximité organisationnelle ne sera pas utilisé pour renvoyer à une proximité au sein d’une entreprise mais uniquement entre les entreprises. Nous ne considérons pas la proximité institutionnelle, laquelle s’avère être la plus historique et la plus complexe, et ce même si elle demeure relativement importante.

Ces proximités ne sont pas figées dans le temps. Il ne s’agit pas d’étudier uniquement les proximités existantes entre des agents mais également les dynamiques de ces proximités, c’est-à-dire les facteurs susceptibles d’améliorer ces proximités entre deux ou plusieurs agents, afin d’améliorer l’innovation entre entreprises, ou d’ancrer des entreprises au sein des territoires.

Ces proximités ne sont également pas figées dans l’espace, puisque les mobilités permanentes ou temporaires peuvent permettre à deux agents d’être proches en étant éloignés, tout dépend des dimensions étudiées. Par exemple, deux individus peuvent être cognitivement et relationnellement proches tout en appartenant à deux entreprises et/ou deux localisations différentes, et vice-versa. Cette dynamique aura toute son importance par la suite. (Torre et Rallet, 2005)

Parmi les nombreux résultats de l’économie des proximités, il s’est agi de réduire le rôle alloué à la proximité géographique entre agents comme condition nécessaire et suffisante à l’émergence de nombreuses externalités positives, sources de plus d’innovations et de plus d’agglomérations, etc. La simple juxtaposition ne signifie alors aucunement connexion entre les différents agents : les entreprises peuvent être localisées sans être territorialisées. (Zimmermann, 2002) Dès lors, la proximité géographique n’est pas une condition suffisante à l’agglomération, même si elle peut être déterminante.

Finalement, la proximité technologique/cognitive et la proximité organisationnelle/relationnelle s’avèrent avoir un impact beaucoup plus important tant sur l’innovation que sur l’agglomération, et ces proximités peuvent s’extraire de la contrainte de la proximité géographique, comme la multi-localisation des entreprises l’illustre. (Rallet et Torre, 2001).