[Cahier de recherche] Management de l’information dans l’organisation : Une approche nouvelle de la veille informationnelle fondée sur le captage et le traitement des signaux faibles.

, par Olivier Mével, Philippe Abgrall

Intelligence économique, veille stratégique, veille informationnelle, signaux faibles, système d’information, espace numérique d’échange.

Cet article propose une approche de la veille informationnelle permettant d’envisager la construction d’un outil de captage, de traitement et d’analyse des signaux faibles. Y sont abordés les premiers éléments de la démarche visant à construire in vitro un outil de captage et de traitement des signaux faibles, notamment en revisitant la théorie, qui n’est ici envisagée que comme le résultat de recherches relativement aux questions que se sont posés les praticiens, théoriciens et autres experts du domaine à propos des différents paradigmes informationnels mis en jeu dans les organisations. L’apport d’autres champs disciplinaires, par la force du jeu des comparaisons et des analogies, a permis de déterminer, de façon conceptuelle tout d’abord et pratique ensuite, les contours d’un dispositif empirique de management de l’information à haute valeur ajoutée édifié au sein d’un espace numérique d’échange (ENE) favorisant le captage, le traitement et l’analyse collective des signaux faibles. Contrairement aux dispositifs existants qui dédient spécifiquement des acteurs à la veille stratégique, nous considérons que chaque acteur, quelque qu’il soit doit, fait partie du système de veille informationnelle. Le dispositif de captage des signaux faibles est ici envisagé comme un outil d’agglomération de l’information à haute valeur ajoutée au service du management. Les éléments constitutifs d’une démarche exploratoire sont ici décrits du point de vue du rôle des acteurs (front office), de la constitution d’un espace de communication dénommé espace numérique d’échange (middle office) et du choix d’un fédérateur responsable de la régulation du dispositif (back office). Le fonctionnement et le protocole d’expérimentation empirique de l’outil de veille sont abordés dans un dernier point.

Abstract.

This article proposes an approach of the informational scanning making it possible to consider the construction of a tool of collecting, treatment and analysis of the weak signals. This work presents the first elements of the step aiming at building in vitro a tool for collecting and treating the weak signals, in particular by revisiting the theory which is considered here only as the result of research relative to the questions studied by practitioners, theorists and other experts of the field in connection with the various informational paradigms which are brought into play in the organizations. The contribution of other disciplinary fields, by the force of the play of the comparisons and the analogies, made it possible to determine, in a conceptual first of all and practical way then, contours of an empirical device of management of information with high added value built within a numerical space of exchange (ENE) supporting collecting, the treatment and the collective analysis of the weak signals. Contrary to the existing devices which dedicate specifically of the actors to the strategic environmental scanning, we consider that each actor, some that it is must, formed part of the system of informational scanning. The device of collecting of the weak signals is considered here like a tool for agglomeration of information with high beneficiation on the service of management. The components of an exploratory step are described here from the point of view of the role of the actors (front office), the constitution of a space of communication called numerical space of exchange (middle office) and choice of a federator responsible for the regulation of the device (back office). The operation and the empirical protocol of experimentation of the tool of scanning are approached in a last point.

Key words : Competitive intelligence, strategic environmental scanning, informational scanning, weak signals, information system, numerical space of exchange

Introduction

Trop souvent les domaines de la veille stratégique (Aguilar1, 1967 ; Thietart et Vivas, 1981 ; Lesca, 1982) et de l’intelligence économique (Wilensky, 1967 ; Aaker, 1983 ; Baumard, 1991) restent totalement ou partiellement inaccessibles à bon nombre de collaborateurs opérationnels de la firme voire aux cadres dirigeants eux-mêmes (Lunh, 1958 ; Prescott et Gibbons, 1994). Sauf en de rares exceptions notables, en matière d’intelligence économique, le spécialiste parle au spécialiste, du moins ce dernier tente-t-il d’envisager l’appréhension d’un certain nombre de données, signaux, informations, connaissances et procédures au travers d’une langue absconse et souvent très spécialisée (Gilad, 2003 ; Fuld, 2006).

En ce sens, nous proposons de simplifier l’approche de la veille informationnelle en entreprise en favorisant l’appréhension du concept de traitement de l’information par l’ensemble des collaborateurs. Sous couvert d’aborder le concept d’intelligence économique sous l’angle de l’information en Sciences de Gestion (Calori et Atamer, 1998), le corpus de l’article s’intéresse donc à l’information en général et, tout particulièrement, aux implications qu’entraîne la valorisation du signal faible quand ce dernier est géré comme une ressource rare par l’organisation (Ansoff, 1975 ; Lesca, 1994). Il s’agit donc de travailler et de s’interroger, dans une logique constructiviste, au point de convergence de la théorie et de la pratique en matière d’analyse informationnelle du signal faible, sur les éléments qui caractérisent l’émergence et le soubassement d’un signal, d’une idée ou d’une connaissance nouvelle au sein de l’organisation d’une part, et d’autre part, sur la mise en œuvre d’un dispositif empirique d’appréhension des signaux faibles ne nécessitant aucun pré requis de la part des acteurs en matière de maîtrise du concept de veille informationnelle.

Sont abordés dans ce travail, les premiers éléments de la démarche visant à construire in vitro un outil de captage et de traitement des signaux faibles, notamment en revisitant la théorie qui n’est ici envisagée que comme le résultat de recherches relativement aux questions que se sont posés les praticiens, théoriciens et autres experts du domaine à propos des différents paradigmes informationnels qui sont mis en jeu dans les organisations (partie 1).

Si l’entreprise est une organisation qui a besoin d’informations pertinentes et anticipatives (Choo et Auster, 1993 ; Drucker, 2001), il s’agit alors d’assurer la convergence du matériel informationnel (données brutes et signaux faibles) de façon à construire et présenter un état des possibles de l’environnement. L’apport d’autres champs disciplinaires, par la force du jeu des comparaisons et des analogies, a permis de déterminer, de façon conceptuelle tout d’abord et pratique ensuite, les contours d’un dispositif empirique de management de l’information à haute valeur ajoutée édifié au sein d’un espace numérique d’échange (ENE) favorisant à la fois le captage, le traitement et l’analyse collective des signaux faibles (Partie 2).

Contrairement aux dispositifs existants qui dédient spécifiquement des acteurs à la veille stratégique (Kahaner, 1998 ; Besson et Possin, 2002), nous considérons que chaque acteur, quel qu’il soit doit, fait partie du système de veille. Au sein de la firme, les systèmes d’information codifient les informations rentrantes (en les altérant plus ou moins) afin de les stocker en vue d’un traitement et d’une utilisation future (Dery et Mock, 1985 ; Scott Morton et Allen, 1995), nous avons donc conceptualisé un système d’information captant les signaux faibles (sans les dénaturer tout en les codifiant), non pas seulement dans une logique de stockage mais, plutôt, dans l’optique d’une gestion collective et dynamique des flux d’information par l’ensemble des collaborateurs (Partie 3).

Le dispositif de captage des signaux faibles est ici envisagé comme un outil d’agglomération de l’information à haute valeur ajoutée susceptible d’éclairer l’organisation sur l’intensité des ruptures inattendues auxquelles elle doit faire face. Les éléments constitutifs d’une démarche exploratoire sont décrits du point de vue du rôle des acteurs (front office), de la constitution d’un espace de communication dénommé espace numérique d’échange (middle office) et du choix d’un fédérateur susceptible de réguler le dispositif (back office). Le fonctionnement et le protocole d’expérimentation de l’outil sont abordés dans un dernier point.