[Cahier de recherche] Penser le journalisme citoyen.

, par Denis Ruellan

journalisme, journaliste citoyen, pratiques professionnelles, pratiques amateures.

Internet est le support d’initiatives originales que, depuis 2005, l’on entend désigner sous le terme-valise de journalisme citoyen. Derrière l’hétérogénéité des dispositifs, apparaît un principe unique : des internautes, non professionnels du journalisme, contribuent directement à la production de l’information d’actualité. Ces pratiques ouvrent à de multiples interrogations, parmi lesquelles je développerai ici celle la problématique de l’articulation, dans les médias et le journalisme, des pratiques professionnelles et amateures.

ABSTRACT.

Since 2005, the Internet has given rise to several novel initiatives concerning journalism designated by the generic term “citizen journalism”. Underlying a set of heterogeneous systems, a unique principle can be observed : web users, who are not professional journalists, contribute directly to the production of the daily news. These practices raise a series of questions, one of which is the link, in the media and journalism, between professional and amateur practices (pro-am) and which we will examine in this article.

Keywords : journalism, citizen journalism, pro-am.

Ce texte est issu d’une communication présentée le 9 octobre 2007 à Natal (Brésil), en ouverture du colloque Comunicação, História e Política organisé par l’Université Fédérale du Rio Grande do Norte.

Il tire profit de travaux menés conjointement avec Florence Le Cam, maître de conférences, et Olivier Trédan, doctorant, université de Rennes 1, CRAPE-Arènes, GIS M@rsouin.

Internet est le support d’initiatives originales que, depuis 2005, l’on entend désigner sous le terme-valise de journalisme citoyen. L’offre fait apparaître des projets et des dispositifs éditoriaux assez variés :

 certains sites justifient leur initiative par une critique des médias traditionnels et proposent une alternative (AgoraVox) alors que d’autres sont créés par des structures majeures (Wat TV par la chaîne française TF1, YouWitnessNews par le moteur internet Yahoo et l’agence Reuter) ;

 des sites se conçoivent comme de simples espaces de publication, n’appliquant qu’une régulation minimale aux contenus proposés par les internautes (NowPublic, Centspapiers, AgoraVox), quand d’autres encadrent fortement les contributions en les mêlant aux travaux de professionnels (Rue89, Ohmynews) ou en les intégrant dans une dynamique collective dirigée par des journalistes (Assignment Zero) ;

 la plupart de ces dispositifs sont strictement dédiés à cette modalité de production, mais quelques-uns apparaissent au sein de médias traditionnels sous forme d’espaces spécifiques (la rubrique Yo periodista sur le site d’El Pais, les blogues de lecteurs accessibles par la page d’accueil du Télégramme, le site ponctuel Quelcandidat.com du Dauphiné-Libéré, les incitations devenues très courantes sur les sites de médias à ce que les internautes transmettent informations, photos et vidéos s’ils sont témoins d’un fait original).

Derrière l’hétérogénéité des dispositifs, apparaît un principe unique : des internautes, non professionnels du journalisme, contribuent directement à la production de l’information d’actualité. Ils recherchent les données, les analysent et les mettent en ligne, avec ou sans l’aide de professionnels. Ces sites prétendent impliquer des dizaines de milliers de contributeurs ; les chiffres sont certainement exagérés ou trompeurs (il faudrait faire la part des contributions régulières et des occasionnelles), mais ils signifient tout de même un mouvement non négligeable. Et à l’occasion, les chiffres de fréquentation de certains sites sont considérables.

Ces pratiques ouvrent à de multiples interrogations : qui sont ces internautes ? quelles sont leurs motivations, leurs trajectoires ? leur production d’information est-elle particulière, des thèmes ou des formes discursives sont-elles privilégiées ? quel est le modèle économique de ces sites ? qui sont les usagers, qui consomme cette production ? Je retiens particulièrement que ces initiatives éclairent de façon nouvelle la problématique de l’articulation, dans les médias et le journalisme, des pratiques professionnelles et amateures ; une expression est d’ailleurs apparue : proam, ou pro-am.