Pratiques du téléphone mobile situations privées et professionnelles

, par Jocelyne Trémenbert

Cet article, présentant les pratiques du téléphone mobile, fait suite aux travaux déjà publiés sur l’équipement technologique des foyers (exploitation des bases de données de l’enquête M@rsouin 2006 auprès des résidents bretons et de l’enquête EPCV 2005 de l’Insee france entière) [1].

Il apporte des indications chiffrées sur les divers usages du mobile et aborde le cas de la navigation sur Internet via mobile et celui de l’usage du portable en situation professionnelle.

Même si l’équipement des principaux objets technologiques est souvent décidé au niveau d’un foyer, il est évident que pour utiliser il est plus facile de posséder. Ainsi, avec de l’ordre de 72% des 15 ans et plus possédant un téléphone mobile, ce dernier apparait comme un des principaux objets technologiques possédés.

Les principaux taux d’équipement individus.

EPCV 2005 - Redressement individus 15+ Credoc 2006 - Redressement Individus 18+
Équipement du domicile
ligne fixe 88% 83%
téléphone mobile 72% 74%
ordinateur(s) 58% 57%
plusieurs ordinateurs 16% 12%
accès Internet 43% 43%
Intentions positives (12 prochains mois) 22%
haut débit (en % des accès Internet) 74% 75%
triplay 14% 17%
télévision 98% 98%
dont par antenne classique 72% 77%
par satellite 31% 25%
par câble 12% 13%
par TNT 1% 10%
par réseau téléphonique 1% 7%
Équipement professionnel (base actifs + étudiants)
Ordinateur sur lieu de travail / études 56% 48%
Internet sur lieu de travail / études 55% 45%(actifs seulement)

Le cas du téléphone mobile est particulier. Ce n’est pas seulement le téléphone d’un foyer, comme peut l’être le fixe, mais souvent celui d’un individu.

Personnalisable (fonds d’écran, sonneries, accessoires ...), intégrant les fonctionnalités de base de tous les autres terminaux mobiles (consoles portables, baladeurs audio et vidéo, lecteurs DVD portables, TV et vidéo mobile, assistants personnels numériques ou PDA, smartphones ...), il apparaît même comme l’outil de référence pour tous les usages nomades.

Il tient dans la poche, est relativement simple à utiliser. D’abord centré sur la voix, la communication vocale étant sa principale fonction d’usage, il s’est transformé en outil multi-fonctions, capable de rendre de nombreux services dans la vie quotidienne : pouvoir y regarder l’heure, l’utiliser comme répertoire, réveil... Il est souvent comparé à un « couteau suisse numérique » car en plus de ses nombreuses fonctionnalités presque de base ( montre/ chronomètre/ minuteur, répertoire, réveil, calculette...), toute une palette orientée multimédia, souvent optionnelle, est venue se greffer (lecteur de vidéo, lecteur de MP3, appareil photo numérique, caméra vidéo, dictaphone...) Cette dernière lui donne ainsi de multiples possibilités de consommation de contenus nomades : téléchargement de musique ou de vidéo, visionnage de programme de télévision en direct, jeux en 3D devenant ainsi une véritable console...

Les services liés au téléphone mobile s’orientent de plus en plus vers les données et les communications interpersonnelles. En plus de la voix, le mobile permet d’envoyer des messages succincts ou SMS. Avec l’évolution de l’électronique, le texte peut même être agrémenté d’images, de photographies, de sons et de vidéos, sans compter les « services communautaires » : chats, forums, moblogs ou weblogs mobiles.

Quelques chiffres sur les pratiques téléphoniques.

Usages du téléphone mobile EPCV 2005 Credoc 2006
possesseurs de téléphone mobile
possesseurs de téléphone mobile 12 ans et plus
15 ans et plus
Naviguer sur Internet ou consulter les mails 5% 8%
Envoyer des SMS 55% 65%
Regarder la télévision 1%
télécharger des sonneries / jeux 13%
télécharger de la musique, des vidéos 9%

Les différences de taux soulignent, outre une certaine diffusion des usages, la différence de population enquêtée, et le fait que les jeunes soient très consommateurs de SMS, et de plus en plus possesseurs de téléphone mobile, et ce, dès 12 ans.

Rajoutons que se connecter à Internet, toujours via un téléphone portable, relève plutôt de profils d’internautes assez particuliers : 7% des internautes ou encore 4,5% des possesseurs de téléphone mobile, soit 3,5% de la population des 15 ans et plus. (voir encadré sur cet usage). Le décollage tant attendu des applications et services mobiles de données n’a pas encore eu lieu et ce, plus à l’origine pour des raisons de coût élevé et des éléments techniques comme la faiblesse de la vitesse de transmission, la petite taille d’écran ou la difficulté à naviguer.


focus : l’utilisation du téléphone mobile pour surfer sur Internet.

Que dire des usages Internet de ces utilisateurs ?

Curieusement ces internautes n’utilisent pas forcément plus souvent Internet, dans le sens où ils sont encore 43% à ne pas l’utiliser quotidiennement ou presque. Ont-ils accès à Internet via leur mobile uniquement en cas de besoin ou est-ce pour pouvoir aussi y accéder en situation mobile ? On peut supposer, même si cela n’a pas été demandé, que pour les utilisateurs quotidiens, leurs accès tous terminaux confondus à Internet sont plus nombreux, mais on n’en sait rien.

En revanche, les internautes via mobile utilisent davantage les possibilités d’Internet.

Ceci se voit déjà en nombre d’usages ou diversité : sur les usages passés en revue dans l’enquête, ils obtiennent une moyenne de 8,3 « usages » alors que la moyenne des internautes n’est que de 7.

La différence est aussi marquée au niveau des usages développés. Cette catégorie d’internautes communique davantage. Pour le simple échange de mails, on observe la même proportion d’utilisateurs, que l’utilisateur échange seulement à partir d’un ordinateur ou aussi d’un téléphone mobile. Mais ces derniers n’hésitent pas, ou plutôt encore moins, à communiquer à travers des outils « collaboratifs » : +20 points « participent à des chats ou à des forums de discussion », +11 points « communiquent à l’aide d’une messagerie instantanée », +7 points « téléphonent via des logiciels du type Skype ». Ce sont aussi de plus gros consommateurs de loisirs / divertissements sur Internet (+18 points par rapport à la moyenne des internautes pour « écouter, voir ou télécharger de la musique ou des fils d’information », +15 points pour « jouer ou télécharger des jeux », +14 points pour « envoyer ou recevoir ses photos ou films par Internet » , +12 points pour « télécharger des logiciels ou des programmes », +9 points pour « écouter la radio »).

Dans leurs relations avec l’administration, ces internautes ne s’arrêtent pas au seul stade de la recherche d’informations, ils téléchargent davantage des documents administratifs (+6 points) et remplissent plus souvent en ligne (+5 points).

Par contre, l’usage d’Internet pour commercer (achat en ligne, gestion des comptes bancaires...), se former, ou rechercher un emploi, n’est guère différent.

Non seulement, comme nous venons de le voir, ces internautes varient les usages mais aussi ils varient les lieux d’usage. Ils sont presque un sur deux (48 %) à déclarer avoir utilisé Internet à leur domicile, à leur travail, chez des amis ou dans d’autres lieux alors que, en moyenne, chez les internautes ils ne sont que 28 %. Sûrement qu’à leurs yeux leur accès via leur mobile n’est autre qu’un accès dans un autre lieu, en tous cas il ne semble pas y avoir d’effet de substitution pour l’instant.

Comparaison des lieux d’utilisation d’Internet sur le dernier mois entre internautes et internautes sur mobile.

Internautes Internautes via mobile
Autres lieux exclusivement 9% 9%
Lieu de travail ou d’études exclusivement 11% 9%
Domicile exclusivement 30% 19%
Domicile et travail exclusivement 21% 15%
Tous lieux 28% 48%

Il faut dire qu’ils sont 89% à avoir aussi un accès Internet à domicile via un ordinateur.

Qui sont ces internautes ?

Ce sont essentiellement des jeunes, le facteur âge étant, toutes choses égales par ailleurs, le plus déterminant. Une personne de moins de 30 ans a 11 fois plus de chances de naviguer sur la toile via son téléphone mobile qu’un internaute âgé de 60 ans et plus et déjà 2 fois plus de chances qu’un internaute de 30 à 44 ans. La proportion de jeunes ayant utilisé, dans le dernier mois, leur portable pour accéder à Internet atteint les 12% alors que rappelons-le la moyenne, tous âges confondus, n’est que de 7%.

Cet usage est aussi davantage masculin (9% des hommes contre 5% des femmes, la différence étant statistiquement significative, il y a un rapport de 2 entre les chances d’un homme ou d’une femme d’avoir cet usage).

Bien sûr, il y a aussi de grandes différences selon le statut ou la catégorie socio-professionnelle (par exemple 5% chez les artisans / cadres / chefs d’entreprise / professions libérales, contre 13% d’étudiants) mais ces écarts ne font que refléter les différences dues à l’âge.


Un objet singulier dans les relations familiales

Envoyer des SMS ou MMS à des amis, de la famille... devient un usage relativement répandu puisque 55% (chiffre énoncé ci-dessus pour l’enquête EPCV de l’Insee) des possesseurs de téléphone portable disent l’avoir fait au cours du dernier mois.

Il semble, à la lecture des deux tableaux ci-dessous, que les usages du SMS se différencient nettement de ceux du téléphone :

 par les populations concernées : si tout le monde téléphone, le SMS/MMS reste une activité marginale, semble-t-il réalisée effectivement par environ un tiers de la population (et non pas entre la moitié et les deux tiers comme déclaré), mais plutôt par les jeunes ;

 par les populations, les personnes qu’on joint par ce média. Le SMS permet de rester en contact avec sa « tribu » (les amis connus), le téléphone est le lien avec la famille [2].

Fréquence des communications téléphoniques (portable, fixe ou sur Internet) par type de relation.

Tous les jours ou presque Au moins une fois par semaine De 1 à 3 fois dans le mois Pas au cours du dernier mois Sans objet
Votre conjoint(e), votre ami(e) 26% 22% 9% 16% 27%
Votre père ou mère 10% 31% 12% 14% 33%
Vos enfants 14% 29% 9% 16% 33%
Vos frères et sœurs, d’autres membres de Votre famille 6% 35% 30% 24% 5%
Des amis 19% 40% 24% 14% 3%

Fréquence d’envoi de SMS ou MMS par type de relation.

Tous les jours ou presque Au moins une fois par semaine De 1 à 3 fois dans le mois Pas au cours du dernier mois Sans objet Pas de SMS dans le dernier mois
Votre conjoint(e), votre ami(e) 5% 7% 4% 10% 15% 60%
Votre père ou mère 1% 4% 4% 27% 4% 60%
Vos enfants 1% 4% 3% 9% 22% 60%
Vos frères et sœurs, d’autres membres de votre famille 2% 9% 8% 19% 2% 60%
Des amis "connus" 10% 13% 8% 8% 1% 60%
Des "amis ou correspondants virtuels" 0,3% 0,7% 0,8% 8,2% 29,5% 60,5%

Le téléphone mobile est donc, comme l’annonce TNS Sofrès dans la deuxième édition de son observatoire sociétal, « un objet singulier dans les relations entre parents et enfants ainsi que dans les relations entre grands-parents et petits-enfants. Qu’ils soient parents, enfants, grands-parents ou petits-enfants, les Français estiment que le téléphone mobile ne crée pas la relation familiale, mais qu’il la facilite. Son bilan est positif pour tous les membres de la famille ».

D’autres pratiques

Notre enquête M@rsouin Résidentiels 2006 (auprès des résidents en Bretagne) mesure aussi les pratiques téléphoniques.

On y constate le même ordre de grandeur pour le taux d’individus utilisateurs de téléphones portables envoyant des SMS (57%). On y apprend que un utilisateur sur cinq envoie quotidiennement des messages et cette proportion monte à 38% si on prend en compte les utilisateurs un peu moins réguliers mais hebdomadaires néanmoins. Cette pratique concerne aussi bien les femmes que les hommes et les moins jeunes que les jeunes. Ces derniers se distinguent plutôt par la fréquence de leurs communications via SMS. Il existe des retraités utilisateurs de mobiles s’étant déjà servi occasionnellement de ce moyen de communication ou s’en servant mais ils sont peu nombreux (22% des possesseurs). Les individus issus de foyers dans les tranches de revenus élevés y sont sur-représentés.

« Aller sur Internet à travers son mobile » pour surfer, consulter ses mails, chater... concerne aussi, comme l’enquête EPCV, de l’ordre de 5% des possesseurs de GSM.

D’autres pratiques peuvent être quantifiées :

 17% des possesseurs de téléphone mobile utilisent des messages photos ou vidéos / prennent des photos,

 12% jouent dessus occasionnellement ou non,

 10% s’inscrivent pour recevoir des informations par SMS sur leur mobile, du type résultats sportifs, cours de bourse,

 4% écoutent la radio ou de la musique avec,

sans compter ceux qui téléchargent des sonneries, des jeux, de la musique, des vidéos et les rares qui regardent déjà la télévision.

Différentes tranches d’utilisateurs et d’évolution.

L’usage des fonctionnalités du téléphone mobile évoquées est très variable selon la CSP, le sexe mais surtout l’âge de l’utilisateur. Les différences sont très prononcées dans les attitudes et comportements créant une véritable fracture générationnelle. Les plus jeunes, qui ont grandi avec la technologie, ont davantage tendance à élargir leur palette d’usages. Les moins jeunes, souvent plus réfractaires, ont un usage souvent plus fonctionnel et rationnel du portable, le côté multimédia « de la chose » pouvant même représenter un obstacle à l’usage. Cela se ressent au niveau de l’appropriation de l’usage comme de sa fréquence.

Le renouvellement de l’objet, pas si fréquent puisque pour un utilisateur sur deux cela il n’a pas lieu dans les trois ans (voir tableau suivant), est aussi affaire de sexe et d’âge, sûrement lié à l’attrait technologique plus grand qu’éprouvent les jeunes, les hommes.

Renouvellement du téléphone portable ("Tous les combien changez-vous votre téléphone mobile ?")
Tous les ans 5%
Tous les 2 ans 28%
Tous les 3 ans 15%
Moins souvent 52%

Sources : enquête M@rsouin 2006

On remarquera aussi des différences d’évolution au sein des usages. Certains, comme le SMS, se sont remarquablement et rapidement démocratisés, touchant les jeunes et les moins jeunes, les hommes et les femmes, les riches et les moins riches .

Vers de nouveaux usages

De nombreuses expériences "innovantes" sont en cours, rendant de nouveaux services mobiles citoyens : le porte-monnaie électronique ou paiement par téléphone mobile, une alerte inondation, le partage de séquence vidéos, le service d’information routière en temps réel, la communication avec l’école par SMS, un programme d’accompagnement personnalisé par SMS pour arrêter de fumer...

Les améliorations les plus prometteuses concerne le téléchargement de contenus et la connexion sur les sites WAP. Selon, l’Agence Wallonne des Télécommunications, membre de notre réseau d’observatoires SOURIR, « 2007 devrait consacrer plusieurs ruptures dans l’offre de services ainsi que dans les usages mobiles » [3].

Peut-être un nouveau pas vers une synchronisation entre l’ordinateur et le téléphone mobile, une convergence des technologies et des concepts vers un seul appareil multimédia.

Le cas du téléphone mobile en situation professionnelle

Selon l’enquête EPCV, 35% des « actifs » (individus occupant un emploi, inactifs travaillant au moment de l’enquête ou apprentis) utilisent un téléphone portable pour des besoins professionnels. La moitié reçoivent ou émettent des appels tous les jours travaillés ou presque, les trois quarts au moins une fois par semaine.

Les artisans, chefs d’entreprise ou agriculteurs ( à 75%) et cadres ou professions libérales (à 55%), soumis à une certaine mobilité et à une certaine délocalisation (par rapport à un bureau fixe et permanent), sont davantage équipés que les autres professions (voir tableau suivant), les plus diplômés aussi (avec +11 points pour les diplômes de niveau au moins bac plus 4). Il n’y a pas de différences significatives au niveau des tranches d’âge d’utilisateurs, par contre on note davantage d’hommes (46%) que de femmes (23%).

Proportion d’individus utilisant un téléphone portable pour des besoins professionnels selon la catégorie socio-professionnelle

Artisans, chefs d’entreprise, agriculteurs 72%
Cadres, professions libérales 55%
Professions intermédiaires 40%
Employés 20%
Ouvriers 27%

Pour presque un actif équipé et usager sur deux (45%), c’est l’employeur qui met à disposition (occasionnellement ou plus souvent de façon permanente) le téléphone. Parmi eux, 58% déclarent pouvoir l’utiliser librement aussi pour leur usage privé. Le téléphone devient alors un « outil de travail, attribué pour des motifs professionnels, pouvant rendre des usages personnels mais utilitaire associé à des logiques d’usages professionnels (logique de l’urgence, logique de la communication...) » [4] . Selon leurs dires, pour un individu sur deux aussi, le principe de « joignabilité » engendré par le mobile est démontré : les périodes durant lesquelles l’individu doit être joignable sur ce portable dépassent les horaires de travail habituels.