Politiques publiques d’accès et d’usage des réseaux numériques. Projets de télémédecine, projet "cybercommunes".

, par Myriam Le Goff-Pronost

Ce projet se propose de travailler sur la construction et la mise en pratique de méthodes d’évaluation des politiques publiques d’accès aux réseaux numériques (implantation de points d’accès, financement de réseaux hauts débits, développement d’applications, cadre juridique dans lequel s’insèrent ces programmes, acceptation sociale de ces politiques). Il cherche donc à identifier, de façon plus générale, les conséquences en termes juridiques, économiques et sociaux, de la mise en place des politiques publiques destinées à promouvoir les technologies de l’information

Résumé du projet.

Ces objectifs s’inscrivent dans une double démarche : une démarche de recherche théorique et une démarche de recherche action. Les réflexions théoriques seront menées, aux croisements des disciplines de l’économie (économie des services et de l’Internet d’une part, économie géographique d’autre part), du droit (droit public, libertés civiles, droit de la propriété intellectuelle, droit administratif) et de la sociologie. Elles devront déboucher sur un ensemble de préconisations de politiques publiques en terme de rééquilibrage géographique de l’activité économique, d’égalité d’accès à l’information et à la décision publique, et de responsabilité civile et administrative des pouvoirs publics dans le contexte du savoir partagé en réseau. En économie, cette double démarche s’appuie sur les travaux réalisés à l’ENST-Bretagne sur l’économie industrielle, l’économie de l’Internet et l’évaluation des politiques de santé, à l’INT sur le marketing des technologies médicales, à l’ENST et aux universités de Toulouse 1, Paris Sud et Rennes 1 sur l’économie géographique et l’économie de l’Internet et enfin à l’université d’Aix-Marseille sur l’économie de la santé. En sociologie et psychosociologie, les travaux de l’IUT de Lannion et ceux de l’Université de Rennes II axent leur réflexion sur l’impact des TIC sur la transformation des pratiques sociales et sur la communication publique. Ces travaux théoriques seront appliquées, dans un premier temps, dans plusieurs domaines :

 celui de la santé en général et à la télémédecine en particulier. À partir d’études de projets mis en œuvre en France et au Québec, nous vérifierons les prédictions théoriques et proposerons des orientations de stratégies concertées entre collectivités locales, institutions de soins, concepteurs et fournisseurs de services de santé et opérateurs de télécommunication ;

 celui des sites publics d’accès à Internet (projet Cybercommunes, lien vers les résultats de la phase 1) ;

 celui des expériences de vote électronique.

Dans un second temps, il n’est pas exclu que les équipes Marsouin puissent participer à l’évaluation des projets mis en place dans la région par l’intermédiaire de Mégalis.

Conséquences attendues :

 mise en place d’une méthodologie générique des projets de politiques publiques visant à diffuser l’usage des TIC ;

 définition d’une doctrine juridique sur le contexte réglementaire et législatif de ces politiques ;

 évaluation économique et sociale du projet « Cybercommunes » du Conseil Régional (phase 2 du projet) ;

 essai de repérage de nouvelles pratiques sociales liées à l’adoption des TIC ;

 recommandations sur l’architecture des nouveaux programmes publics de promotion de l’usage des TIC ;

  • valorisation des travaux de recherche vers :
    • les entreprises locales auxquelles MARSOUIN pourra faire connaître les usages et les nouveaux usages des TIC de la population à partir de l’observation des pratiques au sein des cybercommunes. Une perspective sur les taux de connexion des ménages pourra émerger et aider les opérateurs à créer de nouveaux marchés. Les possibilités de développement du commerce électronique se révéleront des résultats du questionnaire ;
    • les associations ou autres institutions de la commune, relais essentiels des Collectivités Locales pour le fonctionnement des espaces multimédia ;
    • les élus locaux qui, sur la base des recommandations faites au Conseil Régional, pourront adapter leur politique concernant les TIC au niveau local.

La durée prévue est de 24 mois.

Partenaires.

Responsable du projet : Myriam le Goff (ENST Bretagne, Myriam le Goff@enst-bretagne.fr, 0 229 001 461).

Partenaires scientifiques Marsouin : ENST Bretagne (départements ESH et DRE/Rennes), IUT de Lannion (ONTICM/CRAPE-Arènes), Université de Rennes 1 (CREREG et IODE).

Autres partenaires scientifiques : Université de Paris Sud, Université de Toulouse 1 (LEREPS), EHESS et Université de Marseille 3 (GREQAM).

Le calendrier du projet.

 J1, J2 (T0 + 8 mois) : Présentation des travaux à la conférence Marsouin.

 J3 (T0 + 8 mois) : premiers résultats théoriques

 J4 (T0 + 18 mois) : proposition de modèles théoriques.

 J5, J6, J7 (T0 + 21 mois) : deuxième version des modèles théoriques et calibrage d’un protocole sur quelques programmes de politiques publiques.

 J8 (T0 + 24 mois) : validation d’une méthodologie générique visant à évaluer des politiques publiques d’incitation et de diffusion des usages des TIC.

Le détail du projet.

Le contexte.

Contexte et enjeux de société.

Ce projet est parfaitement en phase avec les préoccupations de la Commission Européenne dont le programme « e-Europe » s’inscrit directement dans une volonté politique de promotion de la "Société de l’Information". Des interactions avec d’autres équipes européennes, notamment dans le cadre des appels d’offres de la Commission et de la constitution des "réseaux d’excellence" sont donc à prévoir.

Par ailleurs, compte tenu de l’existence d’un groupe thématique "Santé" au sein de Marsouin, ce secteur peut constituer un champ immédiat d’application de la méthode d’évaluation, notamment l’identification des indicateurs d’évaluation et l’impact des TIC sur l’accès aux soins. En effet, l’organisation territoriale du système de santé fait apparaître une certaine inégalité de la répartition de l’offre par rapport aux besoins : les soins spécialisés se trouvent concentrés en ville alors que la population rurale a de réelles difficultés à accéder aux prestations dont elle aurait besoin. Les méthodes de planification de l’offre actuellement utilisées par l’État sont aujourd’hui insuffisantes pour contrecarrer cette tendance au déséquilibre spatial. L’investissement des acteurs dans les TIC pourrait apporter une solution innovante et différente à la régulation physique de l’offre de soins, grâce à leur capacité à démultiplier l’offre, notamment l’offre de soins spécialisés, grâce aussi aux liaisons numériques, via la télémédecine.

En ce qui concerne le programme "Cybercommunes", il a fait l’objet d’une demande d’évaluation explicite de la part du Conseil Régional, lors du workshop de Janvier 2002, car ce projet mis en place par la Région en 1998 n’a fait l’objet d’aucune évaluation jusqu’à présent. Le Conseil Régional sollicite donc aujourd’hui le GIS MARSOUIN pour mener cette évaluation de politique publique et souhaite notamment connaître l’impact de la politique des Cybercommunes sur l’appropriation par la population des outils Internet et multimédia. La Région attend de MARSOUIN un certain nombre de recommandations de politique publique en vue de l’aider sur la conduite à tenir pour l’évolution de ces espaces multimédia. Enfin, OPSIS vise à analyser les usages des Technologies de l’Information et de la Communication, et à en mesurer leurs effets. Le programme de recherche proposé s’inscrit intégralement dans cette thématique. Il devrait permettre d’élaborer une première base de données sur les usages et l’appropriation d’Internet par les populations locales. De plus, l’étude de Kosmos sur l’Internet dans l’Ouest place la Bretagne en seizième position des régions en ce qui concerne le taux de connexion à Internet des ménages. Ce résultat semble provenir de la forte ruralité de la Bretagne mais a alerté J. BERTHELOT, Président du CCRDT, sur l’idée que l’on peut se faire quant à l’avancée de la Bretagne en matière des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Une étude menée par France Télécom renforcerait, cependant, ce constat (dans un degré moindre) en justifiant que les dépenses des ménages bretons ne toucheraient pas encore les outils et les connexions Internet (mais se situeraient plutôt au niveau des dépenses habitation). Il est donc aujourd’hui nécessaire de faire un bilan de l’appropriation des outils Internet et multimédia par les bretons. Les cybercommunes sont les lieux privilégiés pour cette étude.

Contexte scientifique : analyse des travaux existants sur le même sujet en France ou à l'étranger.

Les équipes participant à ce projet ont manifesté un intérêt fort pour l’évaluation des politiques publiques. Citons par exemple les travaux de M. Baslé du Crereg sur l’évaluation des politiques publiques (Évaluation et gouvernance, un volume, 610 pages, Baslé M. et Guignard-Hamon C. (Eds.), Imprimerie de l’Université de Rennes 1.), la thèse de Myriam Le Goff sur l’évaluation économique de la télémédecine, les travaux de l’équipe de Lannion (Onctim/Crape-Arènes). Les pratiques d’évaluation se sont développées aux USA : elles sont nées historiquement de l’exigence d’une meilleure efficacité des Etats confrontés à l’extension de leurs responsabilité et à la complexité croissante des systèmes développés. Dans les années 70, en France, des travaux de Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) inspirés du Planning, Programming and Budgeting System américain (PPBS), la création des autorisation de mise sur le marché pour le médicament, le développement des Tableaux Statistiques de l’Activité des Praticiens (TSAP) ont été mis en place. Selon Contandriopoulos (1991), les buts officiels d’une évaluation sont :

  1. aider à la planification et à l’élaboration d’une intervention (but stratégique) ;
  1. fournir de l’information pour améliorer une intervention en cours de route (but formatif) ;
  1. déterminer les effets d’une intervention pour décider s’il faut la maintenir, la transformer de façon importante ou l’arrêter (but sommatif) ;
  1. contribuer à l’avancement des connaissances, à l’élaboration théorique (but fondamental).

L’évaluation économique est justifiée car le fondement des activités économiques stipule que les ressources sont par nature rares (en quantités limitées et insuffisantes par rapport aux besoins). Il est donc nécessaire de faire des choix dans leur allocation, d’autant plus quand il s’agit de mettre en place des nouvelles technologies, réputées pour avoir des coûts élevés.

À titre d’illustration l’évaluation des politiques publiques s’applique particulièrement dans le domaine de la santé où sont menés actuellement des resserrements budgétaires en vue de maîtriser la dérive des dépenses de santé, qui réduisent de ce fait une allocation alternative des ressources disponibles. L’évaluation en santé est définie par l’OMS comme la démarche qui doit permettre de garantir à chaque patient l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en terme de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale au meilleur coût pour un même résultat au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction, en termes de procédures, de résultat et de contacts humains à l’intérieur du système de soins.

L’évaluation économique, quant à elle, devient un exercice particulier du fait que :

 dans un système socialisé, les prix sont administrés et fixés, ils ne reflètent généralement pas la valeur réelle de l’objet étudié ;

 face à la maladie, l’utilité d’un programme d’un médicament ou d’une politique devient illimitée.

En outre, le problème de l’évaluation se pose d’une façon accrue actuellement car on assiste à :

 l’explosion des techniques diagnostique et thérapeutique ;

 l’augmentation de la capacité à guérir, ce qui rend plus intolérable l’échec ;

 la problématique économique liée à la rationalisation des ressources de financement.

La struture et le détail des travaux.

Le projet se structurera en 3 blocs :

 Premier bloc : méthodologie économique.

Mise en place d’une méthodologie d’évaluation économique des politiques publiques liées aux technologies de l’information. Ce travail se déroulera en synergie avec ceux effectués dans les contrats d’expertise en partenariat avec le CNES et l’Université d’Aix Marseille. Il s’appuiera sur une veille scientifique auprès de la Commission Européenne dans le cadre de son programme « e-Europe ». L’objectif est la construction d’indicateurs et de méthodes d’évaluation des politiques publiques d’accès aux nouvelles technologies ; ce travail, de nature largement conceptuelle, sera élaboré avec l’aide d’un thésard spécialement recruté dans cet objectif.

 Deuxième bloc : études des usages développés par certaines politiques publiques.

Il s’agira principalement d’études sur le terrain des politiques publiques menées, en prenant l’exemple de la région Bretagne qui dispose déjà de nombreuses réalisations : réseau haut débit, cybercommunes, projets écoles-internet, assez anciennes pour qu’on puisse évaluer leur impact. Dans le cadre du projet Cybercommunes, une analyse basée sur les travaux des différentes équipes incluses dans MARSOUIN sera menée. L’objectif est de mettre en avant les problématiques qui s’avèrent utiles à la Région (comme le devenir des cyber-animateur, les aspects juridiques, la logique de recomposition des territoires, des métiers, les formations d’usages). L’étude Cybercommune comporte deux étapes successives :

 la phase 1 répond à une demande de très court terme de la Région à savoir des résultats de politique publique pour le début 2003 ; Il s’agit de la mise en place d’un questionnaire en ligne (lien) vers les animateurs ou les élus locaux des cybercommunes et d’une étude qualitative sur les espaces situés dans le Trégor autour de Lannion. Ces résultats permettent de mettre en avant une typologie de cybercommunes (selon leurs usages, leur public...) et de proposer des recommandations de politique publique afin d’aider la Région à prendre des décisions de court terme pour le développement des cybercommunes en 2003. La phase 2, fortement conditionnée par les résultats de la phase 1, aura pour objet le développement de problématiques spécifiques liées aux thématiques de recherche des laboratoires de MARSOUIN intégrés dans le programme (évaluation économique de cette politique, impact sur la démocratie locale, etc.) Les résultats de la première phase ;

 la phase 2 consiste en une analyse plus qualitative basée sur les travaux des différentes équipes incluses dans MARSOUIN. A partir de la typologie des cybercommunes obtenue dans la première phase, on établira un panel de cybercommune, ce panel peut être spécifique à chaque groupe. L’objectif est de mettre en avant les problématiques qui s’avèrent utiles à la Région (comme le devenir des cyber-animateur, les aspects juridiques, la logique de recomposition des territoires, des métiers, les formations d’usages). Pour les applications liées à la télémédecine, il s’agira essentiellement de travailler sur une méthodologie esquissée dans la thèse de M Le Goff et qu’il convient de rendre opérationnelle. L’interaction avec le CNES dans le cadre d’un contrat d’expertise ser fondamentale.

 Troisième bloc : étude du cadre législatif.

On étudiera la politique de service universel, les conséquences pour la protection des données individuelles, l’évolution du contexte de propriété intellectuelle, responsabilité civile des sites publics, afin d’aider les pouvoirs publics à mettre en place un cadre d’usage des TIC approprié à ces nouveaux enjeux.

P.-S.

Nous recherchons des partenaires pour effectuer des évaluations sur le terrain, notamment sur des projets de télémédecine. N’hésitez pas à nous contacter : Myriam.LeGoff@enst-bretagne.fr, 0 229 001 461.a